Le "Mouton à 5 pattes" a-t-il bien toute sa tête ?

Article écrit par Marine Breton (Walk & Talk: Le coaching en marchant).

Pitch de la conférence du même nom.

(Temps de lecture 8 mn)

" Cherche mouton à  5 pattes pour salaire modeste "

Le qualificatif de « mouton à 5 pattes » est devenu un mot clé dans la recherche d’emploi et sur les sites de recrutement. Comme si seuls les multipotentiels pouvaient aujourd’hui se caser, à côté des postes IT tournés vers la data. C’est à dire, plus la personne est polyvalente, adaptable, surqualifiée, avec des compétences multidirectionnelles et peu gourmande en salaire, plus elle va intéresser le recruteur ou l’employeur. Mais ce profil « atypique », ce « mouton à 5 pattes » n’est-ce pas encore un effet marketing, une vraie fausse bonne idée, le greenwashing actuel du recrutement afin de combler les postes non pourvus et d’agir sur l’équation du chômage ?

Malheureusement, recruteuses et recruteurs, candidates et candidats finissent par tout mélanger, compétences, profils, niveaux d’expérience, niveau de salaire et hyper adaptabilité. Les candidates et candidats sont presque forcés·ées d’accepter n’importe quel poste en se prétendant effectivement « mouton ?  5 pattes ». Les candidats veulent tellement décrocher le job qu’ils sont prêts à tout, quitte à devenir un rond pour entrer dans un carré. »

Alors questionnons-nous : Comment chercher le bon match entre les besoins de l’entreprise, les compétences et aspirations du candidat ? Est ce qu’ « Un Mouton à 5 pattes » est plus intelligent qu’un autre candidat ? De quelle forme d’intelligence a-t-on réellement besoin et enfin comment mesure-t-on l’intelligence ?

Ce pitch ne répondra pas ?  toutes ces questions, cependant je partage un des temps fort qui amorce un début de réponse.

L’une de mes discussions les plus marquante à ce sujet, a été une réunion parents professeurs donnée à l’occasion de la rentrée scolaire de ma fille en CP. Le directeur d’établissement, M. B., a longuement pris la parole et voici un résumé de ces propos :

« Tous vos enfants sont intelligents, pourtant vous allez venir me voir chacun(e) votre tour pour m’expliquer à quel point votre fils, votre fille est unique. Vous allez m’expliquer qu’il ou elle s’ennuie car tel ou telle matière est acquise et ne le ou la passionne pas. Vous m’expliquerez avec votre fierté de parent à quel point vous sentez que votre enfants à « des besoins particuliers ». Et je serai d’accord avec vous sur un point : tous vos enfants sont intelligents. Chacun à leur façon, chacun sur leur domaine propre. Mais moi, mon rôle de maître d’école, est de les faire progresser ! Je suis là  pour leur faire monter les marches de l’escalier de l’apprentissage et ma seule mission est de mesurer leur capacité à progresser, à apprendre et donc à s ‘améliorer. Vos enfants ne partent pas tous du même stade dans les apprentissages scolaires mais aucun d’eux ne peut, sous prétexte d’intelligence ou de facilité, réduire sa marge de progression. C’est d’ailleurs la seule chose qui m’intéresse chez eux. Leur capacité à apprendre et à grandir. Chaque fin d’année, je ne regarderai pas ou ils en sont mais le chemin qu’ils auront parcouru, les capacités qu’ils auront acquises. C’est en ça que je pourrai mesurer leur intelligence, dans leur aptitude à en savoir davantage en fin d’année qu’en début, à avoir su monter les marches même pour celle et ceux qui étaient déjà  en haut de l’escalier. »

Je suis restée soufflée. M. B. ce jour là , m’a littéralement remise à ma place de parent et dans l’assemblée nous avons tous et toutes été touché(e)s et étonnamment silencieux(ses). Chacun de nous prenant la mesure des propos. Ce message a résonné longtemps et résonne encore aujourd’hui tant il est empreint de sens et de vérité.

Et effectivement, nous sommes tous différents, nos histoires, nos parcours sont riches d’expériences variées et multiples. Mais mesure t’on l’intelligence à la liste de tout ce que nous savons ou bien ne vaut -il mieux pas miser sur notre capacité à continuer à progresser. A apprendre chaque jour, à nous adapter, nous renouveler et à GRANDIR. N’est ce d’ailleurs pas le propre de l’homme ?

Finalement : L’intelligence qu’en fait-on ?

Vous l’aurez certainement compris au travers ce pitch de la conférence, « Le mouton à 5 pattes a-t-il bien toute sa tête ?» Le mouton à 5 pattes est une chimère qu’il n’est pas indispensable d’encourager. Il serait même recommandable de se délester du poids de ce projet séduisant mais qui n’est en réalité qu’une idée vaine et pure produit de l’imagination. Cette projection d’un idéal de candidat est sans rapport avec la réalité ni même avec le besoin du marché du travail tel que nous le connaissons. Face à l’arrivée de L’IA, de quelles compétences l’homme doit-il s’enorgueillir de conserver le monopole ? Soyons des éclaireurs audacieux, embauchons des moutons à 1 ou 2 ou 3 ou 4 pattes solides. Privilégions la marge de progression d’un candidat et ses soft skills plutôt que la perfection déclamée de son profil.